Juin 2011 – Gérard Dorsaz
Comme psychothérapeute on me demande souvent si je suis freudien, jungien, pavlovien etc.
Je réponds volontiers, surtout dans les milieux qui ont certaines prétentions intellectuelles, que je suis « dorsazien ».
Ceux qui connaissent mon nom — ce qui est de plus en plus rare à mesure que je m’éloigne de mon cercle quotidien (tout le monde ne peut pas passer régulièrement à la TV) — se fendent d’un sourire, au moins pour me faire plaisir. Les autres ont l’air un peu gênés, sans dévoiler si c’est la peur de paraître sots en ignorant un auteur illustre ou ma ridicule prétention, qui les embarrasse.
Je pourrais être moins provocateur en disant simplement que mon maître à penser est Socrate. La sagesse de Socrate était fondée sur deux piliers : « connais-toi toi-même » et « je sais que je ne sais rien ». (Il ne faut pas comprendre la deuxième injonction comme du nihilisme mais comme de l’humilité intellectuelle). Socrate invitait donc chacun à penser par lui-même et à éviter la pire ignorance (qu’il appelait la double ignorance) qui est de croire que l’on a un savoir suffisant pour l’imposer aux autres et cesser de chercher en permanence.
Dès lors quel penseur peut prétendre être un modèle du savoir pour les autres hommes. De même, quel fondateur de courant psychothérapeutique peut prétendre être le savant de la psychothérapie et le maître à penser d’autres thérapeutes !?
Un thérapeute freudien risque bien de vouloir faire de son patient un patient freudien, un thérapeute jungien un patient jungien etc. Un thérapeute qui ne se revendique pas de lui-même ne risque-t-il pas aussi d’empêcher son patient de devenir lui-même. Ainsi en me prétendant thérapeute dorsazien je n’espère qu’être une invitation pour Mme Dupont à être dupontienne et pour M. Gaillard à être gaillardien.
Montagnier, le 07.05.11
Dr G. Dorsaz, psychiatre-psychothérapeute