Questionné sur mon bilan intermédiaire, alors que la pandémie nous laisse quelque répit, je note, de façon générale, que nos polices suisses sont toujours aussi efficientes dans leurs missions opérationnelles.

(2 minutes de lecture – le masculin est compris dans le texte – 111ème post)

Par contre, plusieurs polices sont moins déterminées dans leurs remises en questions managériales et dans la mise en œuvre des réformes structurelles. Une progression en la matière leur permettrait de mieux appréhender les disqualifications et autres pénibilités internes : liées à un type d’organisation par trop militarisé, hiérarchisé et introverti.

Technologie, numérisation et robotisation

Néanmoins, et avant tout, ce que je retiens, du point de vue institutionnel, comme une préoccupation d’avenir, c’est cette forme d’ambivalence qui prévaut dans l’usage croissant de certains moyens technologiques, numériques et robotiques de nouvelle génération.

Cette forme assez équivoque d’asservissement concerne aussi d’autres organisations de secours d’urgence tels que les services d’ambulances ou de prévention et lutte incendie.

Une ambivalence qui déroute de plus en plus les femmes policières de terrain que j’interroge au quotidien.

L’attribution en hausse de ces nouvelles technologies, toujours plus sophistiquées, réduisent le discernement humain de l’agente du service public. Les compétences de cette dernière se dilatent avec pour conséquence des responsabilités éthiques professionnelles qui ont peine à s’exercer. Ces moyens artificiels sont à l’étude, testés et parfois déjà appliqués au sein de plusieurs polices à l’exemple de la reconnaissance faciale ; des chiens robots et autres outils de surveillance.

Il n’est pas question, ici, de décrier – naïvement – ses médiums utilitaires mais de leur opposer une maîtrise, des contre-pouvoirs de surveillance et de recours. Ce, dans le but de garantir, en toutes circonstances, le respect de la sphère privée des individus.

L’éthique appliquée…

… comme espace de préservation et de développement professionnels.

Alors même que l’éthique appliquée commence à faire ses preuves dans la régulation, la résolution et, le cas échéant, la réhabilitation des policières ayant pu commettre des erreurs – avant que faute ne survienne -, l’usage augmenté de la robotique questionne la responsabilité de nos professionnelles d’ordre.

Quelle distinction entre les moyens de substitution et d’extension ?

Quelle est donc la distinction que l’on peut produire entre substitution et extension des moyens et pouvoirs de l’agente d’État ?

  • Les moyens de substitution relèguent les pouvoirs de la policière, ainsi que sa proportionnalité non discriminatoire, à des objets ou outils dont elle ne maîtrise pas les processus d’élaboration, ni ceux d’ajournement.

Exemple : caméra de reconnaissance faciale développée et déployée par des entreprises tierces.

  • Les moyens d’extension proposent des objets ou outils dont l’articulation et la responsabilité dépendent majoritairement de la réflexion, du discernement et de la dextérité de ladite policière.

Exemple : armes létales et coercitives ; journal de bord et d’observation de quartier avec relation aux événements et aux auditions de témoins.

Cette distinction est capitale pour 4 raisons :

  1. Permettre à la policière, en tout temps, de développer ses compétences et ses vigilances afin de renforcer son indépendance critique, son empowerment et, finalement, sa durabilité et son enthousiasme au travail.

  2. Éviter que nos polices ne dépendent technologiquement de tierces entreprises qui ne répondent pas des valeurs qui fondent notre État de Droit.

  3. Réduire les zones d’influences idéologiques, notamment ultra-nationalistes, qui ont tendance à proliférer dans les organisations de sanction.

  4. Mieux prévenir la détection des malveillances, des harcèlements et autres discriminations dans les organisations de police elles-mêmes.

Conclusion

Les évolutions et mutations profondes des technologies sont profitables à la lutte contre les criminalités mais potentiellement dangereuses dans le fossé qu’elles creusent entre l’agente du service et de la protection publiques et ses bénéficiaires libres et présumés innocents ; migrants, touristes, résidents et citoyens.

La profession policière est avant tout une profession de l’humain. La prévention d’éventuelles dérives technologiques doit donc faire naître une habilité policière de sauvegarde et de maîtrise des Droits fondamentaux plus forte encore.

Enfin, nos polices sont nos défenses institutionnelles légitimes, prioritaires et concrètes contre les dérives des intelligences artificielles les plus impatientes.