La parole de l’homme épousait celle du policier assermenté.

Nulle compromission, nulle manipulation, nul besoin de déformer son rapport à la réalité. L’homme était – et est toujours – libre, dévoué et intègre. La parole et les écrits de l’homme épousaient la posture du chef de la Police judiciaire neuchâteloise. C’est rare.

Un policier de talent et d’audace s’en est allé

Depuis hier après-midi, nous devons poursuivre les réformes de nos polices sans lui. Dans le dernier message qu’il m’a adressé, il y a peu, il s’insurgeait, une fois de plus, contre la militarisation de son métier.

Un policier qui osait prendre position publiquement

En automne 2009, il signait la postface de notre premier ouvrage scientifique “Police, état de crise. Une réforme nécessaire”*.

Extraits :

“ … toutes ces valeurs (l’éthique et les Droits humains ndlr.) ne sont rien si elles ne sont pas portées par la hiérarchie qui, … doit … ne jamais tolérer ni taire les écarts…” “… vous avez raison d’insister…”

“La transparence et l’ouverture (des Corps de police ndlr.) doivent être érigées en véritable culture d’entreprise… y compris lorsqu’il s’agit de reconnaître et d’analyser ses erreurs…” “ Le chemin est encore long et les obstacles nombreux… Je vous remercie de nous rappeler l’urgence des réformes et de nous fournir des outils modernes, convaincants et crédibles.”

Olivier Guéniat, Neuchâtel, le 1er septembre 2009

Facilitateur de démocratie active

Olivier Guéniat a considérablement développé les méthodologies d’enquêtes criminelles. À l’université et sur les terrains pratiques, il formait ses pairs en continu. Ce, malgré ses nombreuses sollicitations pour des conférences et des conseils. Je me souviens… à peine avait-il été nommé Commandant (ad intérim) de la Police cantonale jurassienne, qu’il m’invita, en compagnie d’Yves Patrick Delachaux, afin que nous présentions nos innovations à l’ensemble de son État-Major. Nous avions carte blanche et du temps. Du temps pour débattre et convaincre.

Un partenaire des médias et de l’information étayée

Il estimait le travail des journalistes et leur rôle essentiel, vital pour la démocratie. À toute occasion, il tissait de nouveaux liens et s’aventurait à la découverte d’autres appartenances culturelles. Curieux, humaniste, il a toujours questionné notre politique de prévention et de lutte contre les drogues, telles qu’elles sont appliquées aujourd’hui. Il n’hésitait pas à contredire un ou une Conseillère d’État ou tout autre élu qui semblait se soumettre aveuglément aux statistiques et aux pressions électorales. “… se remettre en question, toujours…” nous répétait-il souvent. Il ne craignait pas les critiques, ni les publics jeunes et contestataires.

Ainsi, Olivier, tu as prêté vie au développement d’une police plus ouverte, plus forte. Je te jure que ni les fanfarons, ni les “va-t-en-guerre”, ni les prestidigitateurs, ni les égocentriques n’emporteront le métier de policier, la fonction publique de Polisse et notre aspiration profonde.

Olivier, je ne sais pas pourquoi tu es parti. Mais, je sais qu’interroger le monde, comme tu l’as fait, avec acuité, nous coûte la vie.

* Le Président du Conseil d’État genevois, David Hiler, signait, quant à lui, la préface du même ouvrage.