Politique de sécurité : militaire ou policière ?
Le Conseil fédéral a adopté, ce mercredi 11 novembre, sa nouvelle politique de sécurité. Sur fond migratoire, un possible appui de l’armée auprès des gardes-frontières est évoqué, tel que le prévoit la législation. Par ailleurs, le rapport juge peu probable qu’un conflit armé puisse affecter notre pays. Cela n’empêche pas d’observer quelques agitations d’esprit parmi les franges policières les plus vulnérables…
Ces policiers – souvent issus d’erreurs de casting – se cherchent un rôle face aux afflux de migrants et face aux menaces de l’Etat islamique. Du coup, ils sont tentés de revêtir une posture plus… militaire.
J’aimerais donc, ici, rappeler la différence intrinsèque qui existe entre le policier et le militaire. Cette distinction est salutaire pour notre démocratie. Elle se manifeste essentiellement sur deux points.
– Le statut. La police est une délégation. L’armée est une mobilisation.
– Le moyen. La fin ne justifie pas les moyens. Les outils et les armes des uns et des autres sont parfois les mêmes mais leurs usages diffèrent grandement. A ce propos, n’oublions pas qu’en Suisse, 55 à 60 % des activités policières, toutes confondues, sont d’ordre judiciaire et non sécuritaire.
Cela n’empêche pas d’envisager une collaboration de l’armée avec les tiers-policiers. L’article 57, alinéa 2, de notre Constitution fédérale précise que « L’armée contribue à prévenir la guerre et à maintenir la paix (…). Elle apporte son soutien aux autorités civiles lorsqu’elles doivent faire face à une grave menace pesant sur la sécurité intérieure (…). » En situation de paix, l’armée peut donc venir en aide aux cantons, souverains en matière de police, et leur offrir un apport auxiliaire.
Le policier suisse est mon vis-à-vis, mon délégué. Il est détenteur du pouvoir exécutif dans l’enquête, le maintien de la paix publique et l’application des règles administratives sur le champ opérationnel. Il me représente et me protège.
Le militaire suisse, quant à lui, est mon alter ego. S’il devait y avoir une mobilisation générale, c’est à moi qu’il reviendrait de revêtir l’uniforme de soldat.
Le policier est en face de moi.
Le militaire est, constitutionnellement, en moi.
C’est précisément la raison pour laquelle la police n’appartient pas aux policiers ; alors que l’armée de milice appartient à ses soldats.
La guerre serait fatale. Elle transformerait de fond en comble notre rapport personnel au pouvoir étatique. Elle nous soumettrait à d’autres légitimités, à un autre code pénal, à d’autres tribunaux. Elle bouleverserait tous nos usages civils, bloquerait les issues et les voies de communication pour laisser place aux exclusions les plus imprévisibles et, le plus souvent, irréversibles. Face à de telles contraintes, le seul front que nous devrions et que nous pourrions opposer serait celui d’une force armée disciplinée et intransigeante. A cet effet, la nomination d’un-e général-e est prévue.
La paix, tout au contraire, nous offre le droit de plaider notre innocence, de recourir contre notre propre Etat, jusqu’à la Cour européenne des Droits de l’homme s’il le faut. Et, si nous devions en arriver là, nous serions accompagnés, volontairement ou non, par la police, co-équipière de nos droits comme de nos devoirs.
La prévention des criminalités en temps de paix ne se pense pas ni ne se conduit comme la défense d’un pays en situation de guerre ou de crise majeure.
Le policier est l’exact opposé du militaire. S’il devait lui céder sa place, nous aurions alors perdu notre pari de sauvegarder la paix.